Avant d’habiter à Liège, je savais que Tchantchès était une figure emblématique du folklore liégeois mais à part quelques bribes, je ne savais pas grand-chose de sa vie.
Je savais, par exemple qu’il était le modèle du parfait liégeois (mauvaise tête, esprit malicieux, antipathie pour les grands tralalas, prêt à s’enflammer pour une noble cause et surtout un grand gosier !) et qu’il était vêtu d’un pantalon à carreaux noirs et blancs, d’un sarrau bleu, d’un foulard rouge à pois blancs et d’une casquette bleue. Qu’il a très souvent le nez rouge, signe distinctif des grands amateurs de pèket (alcool à base de genièvre).
Tchantchès est la traduction du prénom François en wallon.
Né miraculeusement le 25 août 760 entre deux pavés du quartier d’Outre-Meuse, en braillant :
« Allons, la Mère Gaspard, encore un verre, il n’est pas tard »…
Les braves gens qui le recueillirent furent étonnés de l’entendre chanter, dès sa naissance.
Tchantchès était un beau bébé joufflu, riant sans cesse mais qui détestait l’eau. Ses parents adoptifs le sèvrent au pèket.
Lors de son baptême, un maladroit lui cogne la tête sur les fonts baptismaux, ce qui l’enlaidit quelque peu et le laisse à l’écart des autres jusqu’à l’âge de 10 ans où son envie de liberté le pousse au dehors.
A l’occasion de la Saint Mâcrawe, il accepte d’être promené sur une chaise a porteurs, dans tous le quartier tout en étant barbouillé de suie. Ce jour-là, il attire la sympathie des gens et est nommé « Prince du djus d’la Mouse » (Prince d’Outre-Meuse).
C’était la veille de l’Assomption en 770, d’où à l’heure actuelle les festivités du 15 août.
Sa laideur était toujours visible mais son titre de Prince, sa bonté d’âme, ses espiègleries et son esprit pétillant enchante agréablement la population d’Outre-Meuse.
Un jour, vadrouillant le long de la Meuse, il rencontre le chevalier Roland (neveu de charlemagne) et l’Evêque Turpin.
L’anecdote raconte que l’Evêque réprimandait Roland sur ses résultats pitoyables en latin. Tchantchès, passant par là, entendit et avec son impertinence habituelle, intervint dans la conversation : « Oui, Seigneur Chevalier Roland, le latin ne sert à rien du tout, mais est très utile quand même. »
Ce fut le début d’une belle et grande histoire d’amitié entre Roland et Tchantchès et notre ami liégeois est introduit à la cour et au service de Charlemagne avec son titre de « Prince d’Outre-Meuse ».
Il n’est pas vraiment affecté par les titres et les couronnes, il reste un valeureux liégeois assoiffé de liberté mais aussi sensible à la gloriole. Il accompagne le grand Charlemagne Empereur dans ses campagnes.
Il participa également à la bataille de Roncevaux (village des Pyrénées espagnoles) en 778.
Il fut d’un grand secours à son ami Roland car à lui seul, il a fracassé les côtes de plus de 3000 sarrasins à côps d’tiesse èpwèzonés» (à coups de tête empoisonnés).
Roland l’envoya se reposer, ce qui lui fut fatal car dépourvu de ce valaeureux liégeois, roland mourra.
Bouleversé d’avoir perdu son ami, Tchantchès quitte la cour de Charlemagne et revient couler des jours heureux dans son quartier. Il y retrouve ses camarades et sa « bonne femme » ou encore sa « binamée crapaude » : Nanesse traduction du prénom Agnès en wallon. Celle-ci est courageuse, rigoureuse et affectueuse. C’est elle qui porte la culotte et son valeureux liégeois n’a qu’à bien se tenir car sa poêle ne sert pas qu’à faire des bouquettes (crêpe en wallon). Il ne sont pas mariés, car pour Tchantchès **Li marièdje n’est fêt qu’po lès sots »** (Le mariage n’est fait que pour les sots). Tchantchès décédera à quarante ans, après une bonne guindaille (ripaille, fête en wallon), échappant ainsi à la vieillesse.
Une anecdote de la bataille :
« Tchantchès reste ébahi devant la hauteur des Pyrénées (…), mais il s’étonne surtout que la peau des Sarrasins soit si noire. Il dit à Roland: « A mon avis, y z’ont fait Saint- Mâcrawe au D’Jus d’la Mouse, et y z’ont oublié de s’frotter la figure » !
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Photos de Tchantches, Roland et Charlemagne : Claude Warzee
Photo de Tchantches et Nanesse : Théâtre Noilnaudra